Education positive - Le rôle des neurones miroirs dans l'éducation

Les neurones miroirs[1]

Notre pensée est portée par notre cerveau, lui-même constitué de neurones qui s’associent, se combinent entre eux et créent des circuits qui permettent aux informations de circuler, d’être encodées puis stockées dans les zones appropriées, par un processus chimique et électrique complexe.
Ainsi, en fonction des actions que nous exécutons, différentes zones de notre cerveau sont activées. Ce ne seront pas les mêmes circuits neuronaux qui seront mis à contribution selon que nous plantons un clou, écoutons de la musique ou effectuons une addition ou selon que nous ressentons des émotions de joie, de peur ou de colère.
Il est aisé de comprendre cela mais ce qui est étonnant, c’est que certains neurones s’activeront dans la même zone du cerveau selon que nous observons, imaginons ou exécutons nous-mêmes une action. Pour le dire simplement : si nous regardons un joueur de tennis, mentalement nous jouons aussi ; si nous observons quelqu’un en train de manger, intérieurement nous mangeons aussi – et d’ailleurs, certains saliveront. Il en est de même pour les émotions : voir quelqu’un rire active notre joie intérieure, voir quelqu’un pleurer active notre tristesse.
Ainsi parle-t-on de neurones miroirs, en ceci qu’ils reproduisent en nous les phénomènes que nos sens perçoivent à l’extérieur de nous.
Les conséquences de cette découverte sont primordiales dans le domaine qui nous préoccupe, car on ne peut plus seulement raisonner en terme d’exemple ou d’imitation (l’enfant imite l’adulte, l’adulte donne l’exemple). Cela va plus loin : des circuits neuronaux sont activés et entretenus par les phénomènes que perçoivent les enfants – un geste affectueux perçu par l’enfant (par exemple, maman et papa se donnent la main ou se prennent dans les bras) est reproduit dans son cerveau ; de même pour les marques d’attention, de politesse, de respect d’autrui, de l’environnement ou des animaux. Plus ces phénomènes seront perçus souvent, plus les circuits neuronaux seront activés, balisés et renforcés – plus ils seront donc constitutifs de leur personnalité et considérés comme « normaux ».
Chez tout adulte, les choses se produisent de la même façon, mais avec moins d’intensité : le cerveau adulte est moins malléable, moins souple, moins modifiable que celui des enfants – on parle de plasticité du cerveau. Notre capacité à créer de nouvelles connexions neuronales est davantage réduite, les circuits sont davantage figés, ils sont plus rigides. Notre personnalité est en place. Les nouvelles informations sont plus difficiles à mémoriser, les nouveaux apprentissages plus compliqués à assimiler.
A cela s’ajoute le fait que le cerveau adulte dispose de moitié moins de synapses[2] que celui d’un enfant de 2 ans. Ainsi les bébés peuvent percevoir plus de sons « étrangers » que les adultes : les informations circulent mieux chez eux et trouvent des chemins qui chez les adultes, qui n’ont pas entretenus ces chemins, sont fermés.
Ces fameux neurones miroirs ne se mettent évidemment pas en veille lorsque nous regardons la télévision. Aussi, les scènes de violence que nous percevons dans un film ou un reportage, nous les vivons mentalement. Nous subissons de même les conflits, les disputes, les comportements malveillants. Des canaux se creusent dans notre cerveau et sont entretenus par une exposition prolongée et répétée à certaines images.
Un adulte, dont le cerveau est moins plastique, comme nous l’avons dit, et dont la capacité de raisonnement, d’analyse et de traitement de l’information est plus grande, subira moins les effets négatifs de ce type d’exposition qu’un enfant. C’est donc une responsabilité aussi de ne pas infliger à de trop jeunes enfants des images de scènes violentes (qu’elles soient réelles ou fictives, car notre cerveau ne les différencient pas : la violence dans un film de fiction est traitée, sur le plan neuronal, de la même façon que la violence réelle).

Une autre conséquence majeure de cette découverte réside dans la communication non verbale. Les gestes que nous produisons, les expressions de notre visage et les intonations de notre voix sont ressentis et vécus par l’enfant comme les siens propres, ils nous mettent pleinement en communion avec lui.
En effet, les neurones miroirs sont à l’origine de notre empathie. Grâce à eux, rappelons-le, nous sommes en mesure de rire, pleurer et s’étonner avec autrui.
Aussi, dans son approche pédagogique, un éducateur aura tout intérêt à mesurer et contrôler ces facteurs. Sa colère peut lui être brutalement renvoyée, de même que sa bonne humeur, ses sourires et ses rires. Il aura tout à gagner à créer une atmosphère bienveillante et chaleureuse autour de lui, les enfants la capteront, la ressentiront, la vivront mentalement, l’imiteront et en auront tous les effets bénéfiques.



[1] Ils ont été découverts dans les années 1990 pas l’équipe du Dr Giacomo Rizzolatti (faculté de médecine de Parme, Italie).
[2] Les synapses sont les connexions entre les neurones : elles permettent la transmission des informations d’un neurone à l’autre. Un cerveau adulte compte environ cent milliards de neurones. Un neurone compte en moyenne dix mille synapses.


éducation bienveillante, éducation positive




Extrait du livre Autorité et bienveillance.